Xiang, Lung Tien Xiang

Je l'entendais, l'écho de leurs voix, ses hommes qui attendaient impassiament ma sortie de l'oeuf. J'avais faim, mon ventre se tordait sous le vide, je ne puis attendre plus et fini par briser ma prison d'ivoire pour découvrir un monde instable, ballottant lentement sur une vaste étendue d'eau imbuvable, ils y avait des humains qui me regardaient avec intérêt et crainte, je ne leur porta guère d'attention, m'attardant sur une clepsydre, une poulie, un tas de corde. Puis nous croisâmes nos regards, avec cet homme qui devint mon plus fidèle compagnon et ami.
Curieux, je vint me poster devant lui et inclinant la tête avec interrogation, lui demanda de ma voix fluette :

- Pourquoi fronces-tu les sourcils ?

Tous les dragons apprennent la langue des hommes depuis leur coquille, cela les étonnait toujours autant malgré tout. Bien que n'aillant aucune notion de valeur, je le trouvais beau avec ses cheveux doré et ses yeux lagons. C'est alors qu'il me répondit :

- Je te demande pardon, je n'en avait pas l'intention. je m'appelle William Laurence ; et toi ?

Gêné, je fini tout de même par répondre, penaud.

- Je n'en ai pas.
- Puis-je t'en donner un ? demanda-t-il.
- S'il te plait, lui répondis-je heureux.

Après quelque instant de réflexion, il me donna un nom que je garda durant toute ma vie à ses côtés, Téméraire.
C'est donc en ses termes que débuta ma vie au côté du plus grand homme qu'il puisse exister sur cette terre. Nous servîmes ensemble dans l'armée, nous remportâmes de multiples batailles ensemble, en compagnie de camarades dragons et équipages humains. Puis la paix revint dans nos terres et sur nos mers qui m'avaient vu naître.

Je grandis, devint ce que je suis aujourd'hui, j'appris les langues, les mathématiques, la philosophie, Laurence me faisait la lecture chaque soir, c'était notre moment privilégié à nous, même si par moment, je regrettais d'être d'une trop grande responsabilité dans sa vie, l'empêchant de fonder une famille. Mais à chaque fois que je lui en faisais part, il me rasurait et me disait :

- Mon ami, aujourd'hui ma famille c'est toi et personne d'autre en dehors de notre équipage et compagnons de vol ne compte plus que tout au monde. Alors qu'importe si je me marie ou enfante, car mon plus grand bonheur, je l'ai ici, il me tient jalousement dans ses pattes.

En parlant de famille, la mienne me réclama plus tôt que je ne le pensais, à mainte reprise on voulu nous séparer, m'attirer auprès d'un autre, d'un rang plus prestigieux, car pour eux, je devais être au côté de prince et non de simple manant d'une armée barbare à servir comme esclave de guerre. Je ne puis leur pardonner cette infamie, seule ma mère respecta mon choix et je puis rester en bon terme avec elle jusqu'à sa mort.
Quand à mon compagnon, malgré les épreuves, il réussi à rester près de moi, vieillissant à mes côtés, s'endormant définitivement au creux de mes pattes un soir où il me relisait un conte relatant des exploits similaires aux nôtres. Longuement je fut peiné et plus jamais je n'autorisai qui que se soit à m’appeler par ce patronyme qu'il m'avait donné, prenant celui de ma famille : Lung Tien Xiang, Lung signifiant dragon et Tien, céleste, race dont je fait partie depuis ma naissance.
L'un des seuls souvenirs matériel qu'il me resta de Laurence, fut un coffre contenant une partie de ses affaire et les cadeaux dont il m'a couvert, fourreaux de griffes, chaines en or, pierres précieuses, lettres, peintures, mais le plus important à mes yeux : une plaque pectorale en fer, surmonté d'un immense saphir du même éclat que mes yeux.
Chaque soir, je la contemple et la polie en repensant au passé, en me remémorant sa voix maladroite qui me récite les plus beau poème connu. Parfois je les murmure, nostalgique.

Je réside depuis quelque décennie maintenant dans les Contrées de Cristal, contemplant le monde sous son plus beau jour, malgré les récents évènements dont je n'ai que vaguement entendu parlé, je sais qu'il s'agit d'une histoire de princesse, de ténèbres et d'une grande guerre à venir.